Construire sur la montagne
Les photographies de la collection des archives de l’Université de Montréal et de la collection du Centre canadien d’architecture permettent une véritable incursion dans l’histoire de la construction du pavillon Roger-Gaudry, conçu et réalisé par l’architecte et ingénieur Ernest Cormier.
À l’occasion des grands travaux sur le campus de la montagne, l’Université convie sa communauté à parcourir les lieux et à en apprendre plus sur l’histoire d’un des plus importants bâtiments de l’île de Montréal.
Un emplacement idéal
Avant même la construction du nouveau pavillon, la question du futur emplacement de l’Université de Montréal suscite de vives discussions.
Plusieurs lieux sont alors envisagés, entre autres le parc La Fontaine ou encore l’endroit où se trouve aujourd’hui le Stade olympique. Le site retenu, une ancienne carrière de calcaire de la Ville de Montréal située sur le flanc nord du mont Royal, est celui qui s’accorde le mieux avec les ambitions de l’Université.
Travaux sur le campus. Archives UdeM, Fonds Bureau de l’information, D0037/1fp08648-012
Le versant nord du mont Royal
L’intérêt pour le mont Royal est grandissant et des démarches sont entreprises par l’Université auprès de la Ville de Montréal pour l’obtention de terrains situés sur le flanc nord de la montagne.
Le 14 mars 1923, la Ville offre un immense terrain divisé en deux parties, l’une couvrant une portion qui longe l’avenue Maplewood (boulevard Édouard-Montpetit) jusqu’à l’avenue Bellingham (avenue Vincent-D’Indy), l’autre située sur la montagne, près du cimetière protestant.
Jugeant cette superficie insuffisante pour accueillir le campus, l’Université achètera une portion de terrain supplémentaire, adjacente à ceux concédés par la Ville de Montréal.
À flanc de montagne
Même s’il n’y a pas d’accès à l’eau ni à l’électricité, la taille des lieux nouvellement acquis sur le flanc nord de la montagne permet d’accueillir toutes les installations nécessaires.
Les trois plateaux naturels du mont Royal permettent aussi d’imaginer un développement plus ambitieux pour le futur de l’Université de Montréal.
Construire l'Université
Au printemps 1924, la conception et la construction du nouveau campus sont confiées à l’architecte et ingénieur Ernest Cormier.
Le pavillon Roger-Gaudry (initialement baptisé Pavillon principal) est le premier et le plus important bâtiment à s’élever : il est spectaculaire et a pour objectif d’accueillir toutes les facultés et de loger 6000 étudiants, en plus d’un hôpital universitaire d’une capacité de près de 500 lits.
En 1928, une photographie de la maquette est largement publicisée dans le cadre de la campagne de financement de l’UdeM.
Un projet ambitieux
Lorsque la construction du pavillon débute en 1928, le projet représente le plus gros chantier de la région métropolitaine. La taille gigantesque du complexe est le reflet de la croissance de la métropole moderne qu’est Montréal à cette époque.
Bien que le projet porte de formidables ambitions pédagogiques et politiques, son immense structure est aussi vue comme son point faible : une réalisation par phases est impossible, ce sont tous les éléments du bâtiment qui doivent voir le jour en même temps.
La construction du pavillon Roger-Gaudry
Avril 1930
Début de la construction du bâtiment sur le site
26 décembre 1930
La structure centrale s'élève rapidement
25 août 1931
Construction de la toiture du Pavillon principal
28 septembre 1931
Construction de la toiture de l'amphithéâtre
30 octobre 1931
Construction du pavillon principal
La période noire
Le chantier de l’Université de Montréal est arrêté en 1931 en raison de la crise économique et des sommes considérables qu’exige la construction d’un tel bâtiment.
Cette période noire durera 10 ans, durant lesquels on remet en question l’achèvement même du pavillon, la tour n’étant pas encore construite.
Construction du pavillon Roger-Gaudry, [avant 1943?]. Archives UdeM, Fonds Bureau de l’information, D0037/1fp,03317
La Deuxième Guerre mondiale
La Deuxième Guerre mondiale est déclenchée en Europe le 3 septembre 1939 et le gouvernement fédéral met en vigueur le même jour les Règlements concernant la défense du Canada, qui donnent aux autorités des pouvoirs étendus en lien avec la sécurité et l'ordre publics.
Quelques jours plus tard, l'armée se présente sans préavis sur le campus de la montagne et réquisitionne le pavillon en construction : les ingénieurs militaires du district no 4 souhaitent transformer le bâtiment en logements et en salles d'entraînement pour les soldats.
Le soutien de la communauté
Au moment du déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, le chantier sur la montagne est arrêté depuis déjà plusieurs années. Inquiète pour l’avenir du projet, la communauté de l’Université de Montréal se mobilise pour réunir les fonds qui permettront l’achèvement des travaux. En plus de l’aide gouvernementale, on compte plusieurs mécènes montréalais et étrangers.
Les travaux reprennent en juillet 1941. En août 1942, l’Université, alors située rue Saint-Denis, déménage sur le mont Royal, bien que certaines sections du bâtiment ne soient pas encore entièrement achevées.
Une oeuvre phare
En 1943, la construction du pavillon est terminée et déjà le pavillon s’impose comme une oeuvre phare de l’architecte et comme un puissant symbole identitaire.
Le projet entier témoigne de la naissance d’une élite universitaire francophone décidée à promouvoir un enseignement supérieur de qualité.
Vue aérienne de l’Université de Montréal, 25 juillet 1948 / Aerial Surveys Division, Canadian Pacific Airlines Limited. Archives UdeM, Fonds Bureau de l’information, D0037/1fp,05077
L'inauguration
Le pavillon Roger-Gaudry sera inauguré le 3 juin 1943. En plus d’une messe de consécration officialisée par l’archevêque de Montréal, Mgr Joseph Charbonneau, 33 doctorats honoris causa seront remis.
Aussi au programme : un concert de l’orchestre de la Société des concerts symphoniques dirigé par le chef Désiré Defauw et la projection du film Fantasia, de Walt Disney.
Un pavillon monumental
Le parti pris adopté par Ernest Cormier pour répondre aux besoins de l’Université de Montréal est un aménagement novateur appelé « plan compact », pensé pour recevoir l’ensemble des facultés, écoles et départements de l’établissement, de même qu’un hôpital universitaire, dans un même bâtiment.
Avec son impressionnante tour centrale de plus de 80 mètres de hauteur, le pavillon présente une conception reposant sur la symétrie et la hiérarchisation des espaces intérieurs.
Réservoirs d'eau
Vers les années 1920, le paysage montréalais est marqué par la présence de réservoirs d’eau sur les toits des bâtiments les plus larges.
Ernest Cormier fait preuve d’innovation et met à profit les éléments utilitaires et autres installations mécaniques tels les réservoirs d’eau, les escaliers et les ascenseurs en les traitant comme des ornements qui viennent embellir la silhouette du pavillon et rompre l’ordre horizontal du bâtiment.
De fait, les ailes est et ouest du bâtiment sont symétriques, mais non identiques.
Extrait de Ernest Cormier, Université de Montréal, Pavillons, E, D et A : façades et coupes, 5 avril 1929 - 17 janvier 1930. Encre avec mine de plomb sur toile, 66,5 x 130,4 cm. ARCH8025, Fonds Ernest Cormier, Centre Canadien d’Architecture, © CCA
Des milliers de fenêtres
Plus de 3500 fenêtres rythment la symétrie du pavillon Roger-Gaudry. Une quantité considérable de feuilles de calcul relatives au pourcentage de luminosité ont été retrouvées pour chaque type de pièce selon son orientation, la course du soleil dans une journée, les saisons.
Le nombre et le type de fenêtres ne sont donc pas le résultat d’une disposition aléatoire ou d’un simple souci esthétique : tout a été calculé pour que l’éclairage naturel soit optimal dans chacun des lieux en fonction de son usage et de l’étage où il se situe, tout en tenant compte du nombre de travées structurales.
Plus de quatre millions de briques
À Montréal, la brique de couleur chamois était généralement destinée aux bâtiments de type institutionnel comme les écoles, les universités ou certaines églises.
Cette brique, qu’on appelle brique Belden, vient de l’Ohio. Ernest Cormier appréciait son excellente qualité, que ce soit en termes de capacité portante, de résistance à la compression ou de porosité.
Le pavillon Roger-Gaudry est habillé par 4 870 000 briques, soit 3 100 000 à l’extérieur et 1 770 000 à l’intérieur.
Béton et proportions
Au cours de sa formation en France, Ernest Cormier conçoit des voûtes en béton qui laissent paraître le geste structural.
C’est la stratégie employée pour le pavillon Roger-Gaudry : dans le bâtiment construit en béton armé et recouvert d’un parement de brique, le jeu des proportions et de la lumière met en relief sa structure linéaire et lui donne son aspect moderne.
Cormier fait figure d’avant-gardiste et se distingue par l’utilisation de béton armé comme matériau principal de ses réalisations.
Ornementation
À certains endroits, comme dans le Hall d’honneur ou dans l’amphithéâtre, Ernest Cormier introduit des matériaux d’ornement plus précieux, représentatifs du style art déco.
Il faut admirer l’harmonie de la composition du Hall d’honneur et la présence d’éléments décoratifs tels les colonnes de marbre et les luminaires circulaires encastrés.
Le souci du détail
Architecte et ingénieur formé à l’École des beaux-arts de Paris, Ernest Cormier dirige l’ensemble du processus de conception, qu’il s’agisse d’ornementation, d’ameublement ou d’architecture. Il conçoit ainsi plusieurs éléments décoratifs telles les magnifiques portes en chêne blanc surmontées de marquises à toiture de cuivre, situées au pied de la tour et invitant le visiteur à entrer.
À droite, le dessin d’un cadre pouvant contenir une photographie et devant être placé au-dessus de la porte d’entrée du Hall d’honneur, à l’intérieur.
Un bâtiment moderne
Dans ce qui est considéré comme l’un des premiers bâtiments d’architecture moderne au Québec, les éléments de modernité trouvent leur expression dans la structure exposée, l’utilisation du béton, le soin apporté aux proportions et le travail de mise en valeur de la lumière, utilisée pour habiller l’espace.
À l’intérieur des lieux de prestige comme le Hall d’honneur et l’amphithéâtre du pavillon Roger-Gaudry, les matériaux employés comme ornements témoignent d’un traitement stylistique proche de l’art déco.
Étudier et travailler sur la montagne
Dans les années qui suivent l’implantation de l’Université sur la montagne, seul un escalier de bois permet l’accès au pavillon Roger-Gaudry.
De nos jours, la plupart des étudiants et des étudiantes s’y rendent en empruntant la rampe mécanique, accessible depuis la fin des années 1960, et les deux édicules d’accès devant le pavillon.
Le pavillon Roger-Gaudry
10,47
Kilomètres de corridors
6514
Fenêtres métalliques
3661
Ouvertures
2496
Portes
14
Ascenseurs
7
Escaliers principaux
Photographe : Amélie Philibert, Université de Montréal
Bibliographie complète
- « Ernest Cormier (1885-1980) ». Parcs Canada, 27 août 2021.
- « Pavillon Roger Gaudry, Université de Montréal, Montréal (Québec) ». Parcs Canada, 27 août 2021.
- Bizier, Hélène-Andrée. L'Université de Montréal : la quête du savoir. Libre expression, 1993.
- Cameron, Christina, et al. Le campus : le patrimoine architectural et paysager de l'Université de Montréal. Presses de l'Université de Montréal, 2010, pp. 29-30.
- Cohen-Rose, Sandra. « Art déco : Montréal moderne ». Continuité, no. 128, 2011, pp. 10-12. Érudit.
- Cormier, Ernest. « Notes sur les plans de l'Université ». Université de Montréal : gala d'inauguration, 3 juin 1943, Association générale des diplômés de l'Université de Montréal, 1943, pp. 37-47.
- Culture et Communications Québec. « Maison Ernest-Cormier ». Répertoire du patrimoine culturel du Québec. Consulté le 20 juin 2022.
- Economides, Aliki. Modern savoir-faire: Ernest Cormier, "Architect and Engineer-Constructor," and Architecture’s Representational Constructions. 2015. Harvard University, thèse de doctorat. Digital Access to Scholarship at Harvard.
- Fournier, Marcel. « La construction de l’Université de Montréal sur le Mont Royal ». Ernest Cormier et l'Université́ de Montréal, dirigé par Isabelle Gournay, Centre canadien d'architecture, 1990, pp. 42-62.
- Monnier, Natacha. « Une tour sur la montagne » : le pavillon Roger-Gaudry à l’honneur dans un documentaire sur Ernest Cormier ». UdeMNouvelles, 9 mars 2022.
- Plante, Denis. « On veut bâtir un hôpital au Pavillon principal! : la construction des pavillons de l’UdeM : un vrai roman ». Forum, vol. 35, no. 28, 23 avril 2001, p. 9.
- Simpson, Danièle. « La construction de l’Université de Montréal : d'un immeuble fantôme à un campus moderne ». L’Interdit, no. 269, 1979, pp. 5-7.
- Université de Montréal. L'Université de Montréal : guide. 1944.
- Université de Montréal. Une longue tradition. 2003.
Cette exposition a été conçue et réalisée par le Bureau des communications et des relations publiques (BCRP), en collaboration avec la Direction des projets majeurs d’infrastructures (DPMI) de l’Université de Montréal.
CONCEPTION, RECHERCHE, RÉDACTION
Natacha Monnier ǀ Conseillère principale en communications ǀ BCRP
Audrey Rochon ǀ Coordonnatrice de projets ǀ BCRP
CONCEPTION GRAPHIQUE ET PRODUCTION
Hélène Mitchell ǀ Directrice - Image de marque ǀ BCRP
Camille Béland-Goyette ǀ Coordonnatrice - Image de marque ǀ BCRP
Guylaine Gauthier ǀ Conceptrice-graphiste - Image de marque ǀ BCRP
CONCEPTION ET INTÉGRATION WEB
Stéphane Petit ǀ Conseiller principal - communication web ǀ BCRP
ARCHIVES UdeM – RECHERCHE
Éléonore Aubut-Robitaille ǀ Archiviste
ARCHIVES CCA
Céline Pereira ǀ Adjointe exécutive
SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES
Marjorie Gauchier ǀ Bibliothécaire - Soutien au droit d’auteur ǀ BLSH
Émilie Dalpé ǀ Bibliothécaire - Histoire de l’art, Histoire| BLSH